#HomemadeJoy

#HomemadeJoy est une initiative de Trimukhi Platform pour tisser des liens dans le divers et la distance, d’une maison à une maison autre, en invitant, durant le confinement, 37 artistes et écrivains du monde entier à collaborer ensemble à la composition de 10 « capsules poétiques ». La dynamique est simple, concrète : proposez à un(e) écrivain, confiné(e) dans une ville ou dans un village, de mettre en forme un texte ; travaillez ensuite avec des comédien(ne)s, confiné(e)s aussi mais ailleurs, à la lecture de ce texte ; puis faites parvenir les enregistrements (en français, anglais, bengali, arabe ou espagnol) à un(e) créateur(rice) sonore, confiné(e) dans un autre pays encore, un autre continent peut-être, et qui va alors poursuivre la composition. Conviez tous ces mondes à converser et à enrichir de leur diversité le travail en cours. Enfin, quand c’est prêt, ajoutez à la série en ligne la capsule poétique qui vient de voir le jour et que vous découvrirez en cliquant sur la pochette ci-dessous…

 

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Puis,  avant que le déconfinement ne débute, avec les mêmes rejoint(e)s par un vidéaste, une danseuse, un sculpteur, un musicien improvisateur, une artiste visuelle, une voisine, une tourterelle et un suidé sauvage, des versions vidéographiques — ou prolongements vidéographiés — de ces capsules sont tourné(e)s, monté(e)s et mis(e)s en ligne. La série audio-visuelle, qui compte 8 titres, est à regarder sur votre smartphone en cliquant sur la pochette ci-dessous…

 

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Lancée le 26 mars 2020 depuis le Bengale-Occidental, la dynamique compte avec la participation de 37 artistes et écrivain(e)s confiné(e)s à Calcutta et Borotalpada (Inde), Paris, Bordeaux, Strasbourg, Trappes, Mhères et Lamativie (France), Montréal, Derval et Saint-Alphonse-Rodriguez (Canada), New York et Boston (États-Unis), Mexico, Valle de Bravo et Guadalajara (Mexique), Rome (Italie), Rocallaura (Espagne) et Bruxelles (Belgique). L’aventure s’est conclue le 20 mai 2020, par le passage d’un cyclone sur le Bengale.


coordination Jean-Frédéric Chevallier
édition en ligne Sukla Bar pour Trimukhi Platform
direction artistique Jean-Frédéric Chevallier & Sukla Bar

⇒ les textes seront publiés à l’automne dans le cinquième numéro de Fabrique de l’art

⇒ les capsules sont diffusées sur les sites du Théâtre du Soleil et de l’Institut Goethe

 

 

 

10 capsulesPOÉTIQUES—8 vidéoPOÈMES

 

 

texte & lecture en anglais CHARLES BERNSTEIN / confiné à New York — composition sonore JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta


vidéoPOÈME 1 avec ABHIRUPA HALDAR / confinée à Calcutta

 

 

 

texte & composition sonore JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta — lecture en bengali SUKUL HANSDA / confiné dans le village de Borotalpada — lecture en français  IKUE NAKAGAWA / confinée à Bruxelles — lecture en anglais JOBA HANSDA / confinée dans le village de Borotalpada — traduction en bengali SUKLA BAR / confinée à Calcutta


vidéoPOÈME 2a avec JACQUES DI DONATO / confiné dans le village de MhèresGABRIELLE COUILLARD / confinée à Montréal & un SUIDÉ SAUVAGE / en promenade autour du village de Borotalpada

 

 

 

texte & composition sonore JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta — lecture en bengali SUROMONI HANSDA / confinée dans le village de Borotalpada — lecture en français ÉMILIE LECONTE / confinée dans le village de Lamativie & IKUE NAKAGAWA / confinée à Bruxelles — lecture en anglais RAMJIT HANSDA / confiné dans le village de Borotalpada — traduction en bengali SUKLA BAR / confinée à Calcutta

 

 

 

texte JOSEPH DANAN / confiné à Paris — composition sonore ROGELIO SOSA / confiné à Mexico — lecture en français PHILIPPE OLLÉ-LAPRUNE / confiné à Mexico — lecture en anglais SHREYA MALLICK / confinée à Calcutta — traduction en anglais JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER & ANJUM KATYAL / confinés à Calcutta


vidéoPOÈME 3 avec JOBA HANSDA / confinée dans le village de Borotalpada

 

 

 

texte ÉMILIE LECONTE / confinée dans le village de Lativie — composition sonore & lecture en français ANDRÉ ÉRIC LÉTOURNEAU / confiné à Montréal — avec la participation de The sensor brothers / Studio La dent mystique — programmation MICHEL DESROCHERS / confiné dans le village de Saint-Alphonse-Rodriguez — lecture en anglais SHAHNAZ PARVEEN / confinée à Calcutta — traduction en anglais JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER & ANJUM KATYAL / confinés à Calcutta — soupir SYLVIE COTTON / confinée à Montréal

 

 

 

texte & lecture en anglais AMIT CHAUDHURI / confiné à Calcutta — composition sonore ANDRÉS SOLIS / confiné à Mexico — lecture en français MATTHIEU MÉVEL / confiné à Rome — traduction en français JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta // Le titre du poème est « Shyamalda » //

 

 

 

texte & co-lecture en anglais AMIT CHAUDHURI / confiné à Calcutta — composition sonore ANDRÉS SOLIS / confiné à Mexico — co-lecture en anglais CHARLES BERNSTEIN / confiné à New York — lecture en français MATTHIEU MÉVEL / confiné à Rome — traduction en français JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta


vidéoPOÈME 6 avec RAMJIT HANSDA / confiné dans le village de Borotalpada

 

 

 

texte & montage des voix JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta — composition sonore ROGELIO SOSA / confiné à Mexico — lecture en bengali ABHIRUPA HALDAR / confinée à Calcutta & SUMITA BESRA / confinée dans le village de Borotalpada — lecture en français ÉMILIE LECONTE / confinée dans le village de Lamativie — lecture en anglais & traduction en bengali SUKLA BAR / confinée à Calcutta


vidéoPOÈME 7 avec SUROJMONI HANSDA / confinée dans le village de Borotalpada

 

 

 

texte & lecture en arabe TARIK HAMDAN / confiné à Paris — composition sonore CHANTAL DUMAS / confinée à Montréal — lecture & traduction en anglais CHARLES BERNSTEIN / confiné à New York — lecture en français PHILIPPE OLLÉ-LAPRUNE / confiné à Mexico — traduction en français ANTOINE JOCKEY / confiné à New York


vidéoPOÈME 8 avec SUKUL HANSDA / confiné dans le village de Borotalpada, SWASTIKA MUKHERJEE / confinée à Calcutta, IKUE NAKAGAWA / confinée à Bruxelles & SANDRA MILENA GOMEZ / confinée à Mexico

 

 

 

texte LUIS VICENTE DE AGUINAGA / confiné à Guadalajara — composition sonore & lecture en français MARIO GAUTHIER / confiné à Derval — lecture en anglais ABHIRUPA HALDAR / confinée à Calcutta — lecture en espagnol YAZEL PARRA NAHMENS / confinée à Rocallaura — traduction en français JEAN-LUC LACARRIÈRE  / confiné à Mexico — traduction en anglais JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta


vidéoPOÈME 9 avec NICOLAS SANHES / confiné à Trappes

 

 

 

texte & composition des voix JEAN-FRÉDÉRIC CHEVALLIER / confiné à Calcutta — musique électronique PHILIPPE MANOURY / confiné à Strasbourg — soutien technique GABRIELLE COUILLARD / confinée à Montréal — lecture & traduction en français PIERRE KATUSZEWSKI / confiné à Bordeaux & ÉMILIE LECONTE / confinée dans le village de Lamativie & MAÏA NICOLAS / confinée à Boston & MATTHIEU MÉVEL / confiné à Rome — lecture en espagnol YAZEL PARRA NAHMENS / confinée à Rocallaura — conseils artistiques SUKLA BAR / confinée à Calcutta // le titre de la pièce musicale est « Etude III pour Skala » //


vidéoPOÈME 10 avec KOYEL KARMAKAR & SHREYA MALLICK confinées à Calcutta ainsi qu’une TOURTERELLE / volant dans le ciel de la ville

 

 

 

 

à l’œuvre—37 CONFINÉ(E)S

 

Luis Vicente de Aguinaga (48 ans) est confiné à Guadalajara, où il est né. Au lieu de supporter une équipe de foot de première division, il en supporte deux de seconde, ce qui est doublement triste. Il a actuellement du mal à mettre de l’ordre dans ses cheveux, plutôt bouclés. Poète, docteur ès lettres de l’Université de Montpellier, professeur à l’université près de chez lui, il est auteur d’une vingtaine de livres à cheval entre poésie et recherche littéraire. Il a vu mourir la plupart de ses idoles rock : il se sent donc prêt pour la fin du monde.

Le poète Charles Bernstein (70 ans) pratique la « distance physique et l’intimité sociale » depuis Brooklyn, déballe sa bibliothèque, passe trop de temps à lire les journaux, est déçu de ne pas pouvoir profiter de l’air soudainement clair et pur parce qu’il ne peut pas sortir. Cela aussi peut passer, direz-vous, mais il sent qu’il peut passer avec.

Confiné agréablement à Strasbourg, le compositeur Philippe Manoury (68 ans) continue de composer, comme lorsqu’il n’y a pas de confinement.

C’est un peu la même chose pour l’écrivain (de littérature contemporaine) et chanteur (classique hindoustani) Amit Chaudhuri (58 ans) qui, confiné à Calcutta dans l’est de l’Inde, a continué d’écrire et de s’exercer au chant classique hindoustani comme s’il n’y avait pas de confinement. De fait, sa vie est comme cela en temps «normal».

Confiné lui aussi à Calcutta (et plutôt content de l’être… tant qu’il n’a pas fait trop chaud), à l’initiative de la fabrication des capsules poétiques que vous venez d’écouter et des vidéos-poèmes que vous venez de regarder, Jean-Frédéric Chevallier (47 ans) ne se doutait pas, en la lançant un soir (plutôt frais) de mars, que la dynamique allait si multiplement s’égayer. Directeur artistique de Trimukhi Platform, il est metteur en scène, principalement, vidéaste, très souvent et philosophe, trop intermittemment à son goût. Son nouvel essai, Le Théâtre du présenter, paraitra quand même chez Circé en novembre.

Joseph Danan (68 ans) a commencé à muter au début du confinement parisien, passant du statut d’écrivain de théâtre prolifique et de professeur émérite fraîchement retraité à celui d’instituteur pour son fils, élève de CE1, apprenant comme tout le monde à se moucher du coude mais se refusant à porter le masque quand ça n’est pas indispensable, modeste signe de désobéissance civile destiné à préserver une part d’humanité dans la “distanciation” sociale.

Mario Gauthier (62 ans) vit à Dorval, au Québec. Chercheur indépendant, chargé de cours à l’UQAM et artiste audio d’occasion, il a tendance à se confiner, même sans confinement. Il écoute énormément de tout (musique, sons, etc.) lit ou relit le tas de bouquins qu’il a accumulé au fil des ans, visionne des films et re-malaxe des tas de vieilles choses ayant rapport au son. Il est heureux que le printemps soit enfin là.

Une maitrise en littérature à l’Université de Jadavpur (Calcutta) en poche, Abhirupa Haldar (28 ans) a mis sur pied un emploi du temps strict mais équilibré de sorte d’agrémenter son confinement, réservant le plus clair de ses journées aux stimulations intellectuelles (lecture et écriture), et destinant les soirées aux stimulations sensorielles, en jouant de la musique, ou bien en en écoutant, ensuite en regardant des films.

Enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux, Pierre Katuszewski (47 ans) ne s’est pas mis à cuisiner des plats élaborés, ni à confectionner des masques artisanaux, ni à chanter devant sa webcam. Si les ciels changeants de la belle endormie rythment ses journées, il a hâte de pouvoir se tremper de la pluie aquitaine puis de sécher sous son fort soleil. En attendant, il se prépare à soutenir, masqué ou à visage découvert, son habilitation à diriger des recherches.

Depuis qu’Emilie Leconte (42 ans) est confinée entre quatre murs, elle remarque avoir fait trois choses qu’elle n’avait jamais faites auparavant : jouer au poker, faire du hula hoop et cuisiner des babas au rhum. Elle continue néanmoins à se consacrer à l’écriture. Sa prochaine pièce de théâtre, sur le mur de Berlin, sera éditée en septembre. Elle ne peut alors s’empêcher de remarquer que, cette année, les murs auront peut-être pris un peu trop de place dans sa vie.

Matthieu Mével (48 ans) a mis en place, au cours du confinement, un rituel quotidien de la plus haute importance : s’autoriser 3 verres de vin par jour, la première gorgée à 19 heures exactement. Enseignant le jeu d’acteur à l’Institut français de Rome (pour financer l’achat des bouteilles), il est surtout écrivain. La sortie de son prochain roman, chez Gallimard, aura lieu lorsque courir des heures sous la pluie — à plusieurs, en s’embrassant — redeviendra autorisé.

Danseuse et chorégraphe, Ikue Nakagawa (40 ans) vit à Bruxelles. Elle passe ses journées de confinement à dessiner, cuisiner (midi), jouer au Uno avec ses enfants, cuisiner (soir), jouer au Uno avec ses enfants, prendre l’apéro, jouer au Uno avec ses enfants, manger, jouer au Uno avec ses enfants. Ce qui lui donne  de : 1.) redécouvrir combien son fils et sa fille sont merveilleux et 2.) retrouver du plaisir à suivre, pas à pas, des recettes qui prennent du temps. Reste que ça fatigue aussi beaucoup. Du coup, mal de tête.

Philippe Ollé-Laprune (58 ans) est un éditeur, acteur culturel et écrivain arrivé au Mexique il y a tout juste 25 ans. Confiné à Tlalpan, au sud de la ville-monstre, il développe la théorie que le Covid-19 doit être soluble dans le mezcal. Il en parle chaque soir avec ses deux chiens… qui ne répondent pas encore. Lit un chapitre de Don Quichote tous les jours et espère finir l’imposant bouquin fin juillet 2020.

Jacques Di Donato (77 ans), musicien, vit à Mhère, petit village de Bourgogne, en France. Retraité et président de Bords de Mhère —  une association qui se consacre à la création  contemporaine. Depuis Mhère, le confinement lui paraît bien loin et lié uniquement à quelques actes de désobéissance civique lorsqu’il est question de visiter l’un ou l’autre lieux destinés à le nourrir… Le quotidien au village se partage entre musique, lecture, visionnage de films, tentatives de jardinage et surtout à s’essayer à un rythme de vie qu’habiterait une réflexion sur notre environnement immédiat et futur.

Tarik Hamdan (35 ans) occupe ses journées… à travailler comme un dingue. C’est qu’il est journaliste présentateur à Paris de radio Monte Carlo Doualiya, diffusée en arabe. Il écrit aussi de la poésie… quand il a du temps libre. Ce qui donne quelque fois lieu à un livre… Le dernier en date est Rire et gémissement, publié en version bilingue arabe-français en 2018 aux éditions Payot.

La routine quotidienne de Shahnaz Parveen (27 ans) consistant à courir au bureau tôt le matin et à rentrer tard le soir les jambes chancelantes s’est brutalement interrompue avec l’entrée en vigueur du confinement. Professionnelle de l’informatique, elle a découvert les joies du travail à domicile qu’elle a couplées avec une exploration pratique et poussée des recettes traditionnelles bengalis (qu’elle télécharge depuis le web). Mais les idées lui viennent surtout quand elle s’assoit et peint. Avec ses chats pour seul public, elle remplit toiles de quarantaine après toiles de quarantaine. Elle en partage ensuite des clichés via instagram.

Andrés Solís (48 ans), créateur sonore et musicien confiné à Mexico, voit dans le confinement une opportunité unique de concentrer dans le travail créatif toute l’énergie dont il dispose,  être à plein temps dedans, sans les multiples distractions que réserve habituellement la vie quotidienne hors confinement.

Au tout début du confinement, Sukul Hansda (22 ans), artiste sonore membre de l’équipe de création de Trimukhi Platform, a été le premier du village tribal de Borotalpada (Bengale-Occidental, Inde) à refuser l’amiante, fort peu éco-friendly. Le toit de la maison familiale qu’il agrandit n’est donc pas cancérigène. Ayant pris des mesures drastiques contre cette maladie-là, Sukul espère que ce ne sera pas une autre, le Covid-19, qui fera son entrée chez lui.

De la fenêtre du deuxième étage d’un immeuble de Montréal, Chantal Dumas (61 ans) observe la distanciation sociale. Les après-midis des jours ensoleillés, la nuit parfois, elle s’aventure dans les rues où la vie s’écoule lentement. Elle écoute les sons de l’activité humaine qui se répand parcimonieusement dans l’espace public : le passage d’un avion, un ballon frappant le sol qu’un enfant dribble avant de s’élancer vers le panier, le chant des oiseaux en pleine frénésie de fabrication d’un nid et, une voix au téléphone. Une écoute solidaire accordée aux vies en solitaire.

Pour Surojmoni Hansda (18 ans), comédienne membre de l’équipe de création de Trimukhi Platform, le confinement apporte tout en même temps des joies et des peines. Des joies parce que du coup, elle n’a plus à aller nulle part et que c’est bien reposant. Des peines aussi car elle comptait profiter encore quelques mois des luxes et de l’agrément qu’offre aux élèves de lycée le pensionnat public (lit pourvu d’un matelas, chambre lumineuse, douche séparée, etc.) où elle est inscrite. Mal lui en a pris : elle s’est retrouvée au village à cuisiner 3 fois par jour pour toute la famille, faire le menage, et s’occuper du linge de ses frères.

André Éric Létourneau (52 ans), professeur à l’Université du Québec à Montréal, artiste intermédia ou (dit-il) “super-disciplinaire” scinde son confinement en deux grandes périodes : le démontage pièce par pièce de son studio d’enregistrement pour un grand nettoyage ; l’immersion dans la rédaction de sa thèse de doctorat – le quasi télescopage des deux activités entrainant parfois d’alambiqués phrasés tels : ”je” crois, dans une optique transductive, au partage et à la décentralisation, aux architectures sono-temporelles, aux dérives, déconstructions, reconstructions, comme autant d’hybridations infinies.

Yazel Parra Nahmens (33 ans) est artiste et chercheuse des choses scéniques, vénézuélienne établie à Rocallaura, un village de Catalogne, en Espagne. Autrement dit : l’endroit adéquat pour y être confinée, pour s’y essayer à des séquences d’actions théâtrales qui appellent la lenteur — une lenteur qui, en temps “normal”, est, telle une chose morte, absente de la vie quotidienne de Yazel.

Née à Bogota, la chorégraphe Sandra Milena Gómez (41 ans) a grandie à Cartagène et vit confinée à Mexico. Dance avec les plantes de son balcon, regarde les oiseaux se poser, réalise de minutieuses chorégraphies avec les meubles de la maison, médite pour éloigner l’anxiété qu’immanquablement produit chez elle d’enseigner la danse au travers d’un écran d’ordinateur. Sourit au coucher de soleil qu’elle voit par la fenêtre.

Co-fondatrice de Trimukhi Platform et productrice de la série #HomemadeJoy, Sukla Bar (46 ans) a d’abord vu dans le confinement l’occasion de concrétiser certains de ses rêves. Mais les rêves demeurent des rêves et la réalité, réalité, faute de temps. Ce qui la porte et l’emporte, c’est, dans le jardin qu’elle entretient sur la terrasse, préparer à mains nues la terre pour les semis. C’est la “homemade joy” qu’elle sent croître en elle alors qu’elle découvre de nouvelles manières de combiner entre eux meubles, statues, peintures, photographies, sculptures, piles de livres, troncs d’arbre, sections de bamboos, pierres des montagnes ou des mers qui habitent la maison.

Gabrielle Couillard (27 ans), artiste touche-à-tout confinée dans son trop petit appartement Montréalais, s’ennuie profondément du spectacle vivant, surtout depuis que ses marionnettes en carton ont dû prendre une pause pour surmenage. En attendant, elle offre du vin, des livres et des promesses de sorties extravagantes (et vraiment n’importe quoi) à ses muses en espérant écrire de nouveaux fragments à mettre en son entre les murs serrés de son mini-logis. Aimerait aussi rappeler à ses voisins qu’elle ne peut pas faire grand chose pour le bruit de son lave-vaisselle (mais qu’il génère de magnifiques extraits sonores qu’elle pourrait utiliser).

Swastika Mukherjee (35 ans), artiste visuelle, regarde le confinement d’un œil différent et différant. Il n’y a pas que les “humains” qui peuvent exister, d’autres créatures participent aussi au jeu de la vie. Contempler à la tombée du jour le nid près de la fenêtre est devenu pour elle un rituel quotidien. L’avenue en dessous habituellement bruyante n’avait jusque-là jamais permis à cet arbre de connaître ce nouveau départ. Ses feuilles étaient toujours ternes. Maintenant, chaque feuille heureuse de l’arbre sonne avec son cœur.

Comme Koyel Karmakar (38 ans) est, d’une part, quelqu’un d’optimiste et, d’autre part, une femme qu’on dit “au foyer”, le présent confinement ne la préoccupe pas plus que cela. Les membres du dit “foyer” lui prêtent même main forte dans ses tentatives de jardinage inventif et elle est parvenue avec un relatif succès à dompter la chevelure de son mari puis celle de son fils. Ce dernier étant sur le point de passer son bac, elle est souvent occupée à lui remonter le moral et l’aider à retrouver confiance en soi. La dépression qui, parfois, la nuit, la hante, reste confinée, silencieuse, dans son journal intime.

Rogelio Sosa (43 ans) est — alors que vous lisez ces lignes — en “exil”, à des centaines de kilomètres de la ville de Mexico, confiné en bordure de forêt dans le village de Valle de Bravo. Habituellement hyper actif dans les domaines de la musique expérimentale et de l’art sonore, il essaie ces jours-ci de faire une pause et d’être aussi peu productif que possible (mais Jean-Frédéric Chevallier et Trimukhi Platform ne lui facilitent pas toujours la tâche…). Il passe du bon temps avec ses deux filles : Kira et Sylvestre.

Des indiens confortablement installés à Londres s’en sont émus dans de grands quotidiens : les plus pauvres en Inde souffrent atrocement du confinement. L’affirmation est certes pertinente pour certaines des villes du sous-continent, elle l’est beaucoup moins pour les campagnes, où résident les 2/3 de la population… Pour Dhananjoy Hansda (22 ans), photographe, vidéaste, membre du comité de direction de Trimukhi Platform et fils de l’un de 5 morols (responsables de village en santhali), c’est un moment merveilleux : tout le monde étant present à Borotalpada et l’argent n’étant plus de mise, chacun peut prendre le temps d’aider bénévolement ses voisins les uns après les autres à agrandir ou reconstruire leur maison. Cette réactivation d’une pratique ancestrale des communautés santhals, celle de l’échange de journées de travail de famille à famille, le met en joie.

Ramjit Hansda (17 ans), danseur de haut vol et membre du comité de direction de Trimukhi Platform, est dans le même cas. Le confinement, note-t-il sur WhatsApp, est l’occasion d’un intense travail ensemble accompagné, ajoute ce gros mangeur qui finit sa croissance osseuse, d’une quasi overdose de nourriture étant donnée la quantité de denrées alimentaires livrées régulièrement aux villageois tribaux par le gouvernement local.

Pour Joba Hansda (18 ans), actrice et danseuse, membre du comité de direction de Trimukhi Platform, la dernière phase du confinement est, telle une sorte de prélude champêtre au déconfinement, l’occasion d’aller planter des arbres à l’orée du village tribal de Borotalpada où elle est née. Une mesure prise par le gouvernement du Bengale-Occidental pour palier quelque peu à la déforestation dramatique de la région.

Maïa Nicolas (45 ans), danseuse devenue secrète depuis qu’exilée à Boston, profite du confinement pour confiner davantage son secret. Elle enregistre ses lectures pour les capsules poétiques de Trimukhi Platform dans l’armoire du salon et s’essaie à l’intimité maximale avec le micro-enregistreur, allant jusqu’à l’embrasser quasi constamment tout en murmurant les mots d’une voix douce et claire à fendre le coeur de ladite machine. Tout cela au grand dam des créateurs sonores qui travaillent ensuite avec des prises qui sembleraient avoir été réalisées en plein cyclone.

On s’en rend compte en scrutant attentivement les prises vidéos qu’elle a réalisées pour le dixième vidéoPOÈME : les cernes de Shreya Mallick (29 ans) s’étendent durant le confinement. Est-ce le fait de la surcharge de travail à distance que requiert l’agence de publicité qui l’emploie ? Ou bien est-ce dû à l’affaissement du regard qu’être employée ainsi alors que sortie il y a 6 ans d’une école d’art ne manque d’entrainer ? Reste que bien que sur-exploitée par le capitalisme, Shreya découvre, grace au confinement, quelque chose d’important : le plaisir de se plonger dans les livres.