ḤÉSÈD

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À l’invitation du Service Culture de l’Université Bordeaux Montaigne, trois membres de Trimukhi Platform (Jean-Frédéric Chevallier, Sukla Bar et Sukul Hansda) ont effectué une résidence artistique d’un mois sur le campus. Le 30 mars 2023, à l’occasion de la sortie de résidence, ils présentaient la nouvelle performance dansée qu’ils venaient de composer. C’était en extérieur, au lieu-dit « la petite forêt ». Intitulé ésèd (i.e. la disponibilité à entrer en relation avec autrui), le dispositif n’était pas in situ mais cum situ – avec le site. L’environnement et ses composantes étaient des éléments parmi d’autres éléments, agissant eux aussi, et entrant eux aussi dans le jeu combinatoire, avec ni plus ni moins d’importance que les autres. Il y allait d’un agencement de présences qui font – ce que fait la présence d’un son, ce que fait la présence d’un danseur, ce que fait la présence d’une étudiante ou d’une voiture qui, au loin, traverse le campus, ce que fait la présence d’une voix, d’une langue, d’une feuille qui tombe, le tronc d’un arbre, l’herbe légèrement mouillée par le crachin du printemps, une ficelle de noix de coco qui, à demi enroulée, oscille avec le vent.

 

 

avec Sukul Hansda  chorégraphie, texte & création sonore Jean-Frédéric Chevallier ⊥ scénographie, traduction en bengali & troisième regard Sukla Bar Chevallier ⊥ traduction en santhali Sukul Hansda ⊥ voix enregistrées Jean-Frédéric Chevallier & Sukul Hansda ⊥ conseils artistiques Pierre Katuszewski Johanna Renaudin  production Service Culture de l’Université Bordeaux Montaigne & Trimukhi Platform ⊥ production déléguée Compagnie Amala Dianor / Kaplan  avec le soutien de la Communauté de Taizé pour la reprise du spectacle


performance dansée présentée en sortie de résidence le 30 mars 2023 dans la « petite forêt » du campus de l’Université Bordeaux Montaigne, à Pessac, puis le 11 avril 2023 dans un pré arboré aux abords du village de Taizé, en Bourgogne


 

⇒ VOIR UN EXTRAIT VIDÉO

 

 

 

Des bouts de ficelle dans les arbres, ça fait comme une mini-pelote au bout. C’est suspendu. 

On est assis dans l’herbe, sur une bande de plastique retenue par du bois. Il ne pleut pas. D’autres, parmi nous s’assoient. On est un groupe. Ça commence. 

Le danseur se lève. Il nous regarde, puis court au loin. Il court vite. Il tombe par-dessus les mottes de terre, dans l’herbe fraîche. Il disparaît. Puis réapparaît. Virevolte comme un pantin. On voit son regard, même au loin, toujours tourné vers nous. Le blanc de son œil éclaire sa peau mate, sa pupille noire et brillante. 

Quelque chose se noue entre nous. On ne se quitte plus des yeux. Il est très présent. Son corps redessine l’espace. C’est une géographie de soi. D’où vient-il ? Que vient-il nous annoncer ? De quel message est-il porteur ?

Parfois suspendu aux arbres, ça fait comme un souffle dans le temps.

Il y a de la musique. On n’a pas envie de parler. 

Sa silhouette est tellement équilibrée, ses mouvements si précis, ici et là. Et son regard, si intense. On dirait que le monde le traverse. Qu’il nous fait passer vers le monde. Ce qu’il a en lui lorsqu’il s’assoit auprès de nous pour le dire en fermant les yeux. Dans sa langue à lui. Comme une offrande. Puis repart. Re-saute, virevolte. Et re-court au loin. Et revient pour saluer.

On est heureux.

Carol STYL, le 30.03.2023, Campus Bordeaux-Montaigne, à Pessac

 


Trimukhi Platform a vu le jour en 2008 à Borotalpada, village de l’État du Bengale en Inde, et a travaillé depuis à produire différentes formes d’art contemporain, à construire des ponts entre des mondes éloignés et à stimuler l’invention de pensées singulières. Seize ans durant, ce collectif a réuni des familles de ce village Santhal (groupe Adivasi — « premiers habitants » — ou aborigènes de l’Inde) autour du metteur en scène et philosophe Jean-Frédéric Chevallier et de la productrice Sukla Bar.