Situé en Inde dans l’état du Bengale Occidental, près de la frontière avec l’état de l’Orissa, Borotalpada est un village santhal. Selon le recensement réalisé en avril 2019 par les cinq morols (responsables coutumiers désignés par les villageois), Borotalpada comptait alors 496 habitants répartis dans 95 maisons.
Les Santhals sont l’un des groupes Ādivāsī (en sanskrit आदिवासी, des racines ādi, «origine», et vās, «habite », «résider» – i.e. « premiers habitants ») ou aborigènes de l’Inde. Vivant généralement dans des régions reculées, les Ādivāsī sont restés hors du courant de la civilisation indo-européenne qui a façonné le sous-continent indien depuis le IIe millénaire av. JC. Ils ont été largement ignorés des autres Indiens jusqu’à la période du Raj britannique et des explorations plus systématiques du territoire. Aujourd’hui, 60 ans après l’indépendance, les Ādivāsī constituent approximativement 8 % de la population totale du pays. Officiellement reconnus par la constitution comme «Scheduled Tribes» (« tribus répertoriées »), ils sont souvent regroupés avec les « Scheduled Castes » (« castes répertoriées » c’est-à-dire : les « intouchables ») dans la catégorie «Scheduled Castes and Tribes» . De fait, les Indiens non aborigènes les considèrent souvent comme «primitifs». Il n’est pas anodin de rappeler que le père de la constitution indienne, B.R. Ambedkar, « intouchable » lui-même, et auteur de « Annihilation of Caste » n’est jamais parvenu à considérer les Ādivāsī comme des êtres humains à part entière. Pour lui, c’était plutôt des « enfants » qu’il fallait guider sur le chemin du « progrès ». S’il ne s’agit peut-être pas exactement d’une vision néocolonialiste, il en va en tout cas d’une tendance fortement paternaliste, une myopie qui a cours encore aujourd’hui.
VIE QUOTIDIENNE À BOROTALPADA
Courant 2011, alors que le projet du Centre culturel était lancé à Borotalpada, Jean-Frédéric Chevallier, Girish Soren et Falguni Hansda ont mené une enquête dans le village, maison par maison. La question posée était simple : «si le centre culturel voit le jour — comme vous l’avez demandé en assemblée — que voulez-vous qu’il s’y passe?» Les réponses, multiples, manifestaient tout autant une volonté de faire vivre des singularités qu’une envie de découvrir d’autres formes et pratiques — d’un même élan, le désir d’approfondir une unicité (le fait d’être unique) et celui de s’enrichir de la diversité des mondes, l’un nourrissant l’autre, dans un vivant va-et-vient.
Il était tout aussi significatif que les habitants de Borotalpada aient choisi, avec le premier argent collecté, de débuter la construction du Centre culturel plutôt que d’acheter un terrain supplémentaire. Il fallait d’abord un endroit pour recevoir les autres, pour parler avec eux, pour se connaître, partager et construire ensemble.
Maintenant que le Centre culturel existe, la disposition à participer à des projets qui nécessitent de voyager, le désir de s’aventurer et de s’ex-poser au dehors ne font que grandir.
RÉPONSES « FAITES À LA MAISON »
En décembre 2018, huit membres de l’équipe de direction de Trimukhi Platform (Sumita Besra, Dhananjoy, Falguni et Motilal Hansda, Ramjit Hansda, Surojmoni Hansda, Joba et Sukul Hansda) répondent aux questions de Jean-Frédéric Chevallier et Sukla Bar: «Ta maison est telle qu’elle est, pourquoi? Ta maison, tu l’as voulue, tu la veux, tu la voudras? Ta maison est-elle une prison ou bien un espace de joie? Si ta maison était une machine, que fabriquerait-elle? Quand perds-tu l’envie d’habiter quelque part? Ta maison, que te fait-elle à toi et que lui fais-tu à elle?»
DYNAMIQUE • 3 VISAGES • CENTRE CULTUREL • L’ÉQUIPE • 10 ANS